
Surnommée la “vraie Gone Girl”, Sherri Papini brise le silence dans la nouvelle docu-série L’histoire vraie d’un faux kidnapping, dans laquelle elle se soumet à un test au détecteur de mensonges après avoir affirmé qu’elle aurait bien été enlevée.
Aux yeux de la loi, Sherri Papini a menti : elle a plaidé coupable et donc admis avoir simulé son enlèvement de novembre 2016 après que les forces de l’ordre ont découvert qu’elle se trouvait chez son ex-petit ami James Reyes, malgré ses affirmations pendant des années selon lesquelles elle aurait été enlevée par deux femmes hispaniques.
En 2022, la femme a été condamnée à 18 mois de prison et à verser 300 000 dollars, tout en se retrouvant au coeur d’un tollé pour avoir véhiculé des stéréotypes racistes avec sa version des faits. Et alors qu’elle avait disparu des radars, Sherri Papini est désormais au cœur du nouveau documentaire en quatre parties L’histoire vraie d’un faux kidnapping, diffusé sur Max en France.
Or, dans ces nouveaux épisodes, elle raconte une toute autre histoire. Plutôt que d’admettre avoir simulé l’enlèvement pour attirer l’attention, elle affirme avoir réellement été kidnappée et maltraitée – non pas par deux femmes fictives, mais par James Reyes lui-même.
Sherri Papini ment-elle ? Les résultats mitigés du détecteur de mensonges
Certaines réponses de Sherri Papini ne semblent pas satisfaisantes selon les critères du détecteur de mensonges dans L’histoire vraie d’un faux kidnapping.

Pour faire toute la lumière sur sa nouvelle version, Sherri Papini accepte en effet de passer un test au polygraphe, dont les résultats sont mitigés. Une question en particulier suggère qu’elle mentirait : lorsqu’elle nie avoir planifié de partir en Californie avec Reyes.
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À la question : “Avez-vous prévu de partir en Californie du Sud avec James le 2 novembre 2016 ?“, Sherri Papini répond non, mais l’expert chargé d’utiliser le polygraphe assure que le “corps de la femme dit le contraire“.
Papini affirme qu’elle entretenait une liaison avec Reyes parce qu’elle était malheureuse dans son mariage avec Keith Papini, avec qui elle a deux enfants. Selon sa version des faits, elle se souviendrait avoir monté un plan avec James et l’avoir mené en bateau, pour pouvoir continuer à lui parler.
Trois questions posées au début du test reçoivent une réponse négative de Sherri Papini, et les résultats indiquent qu’elle aurait dit la vérité. Ces questions sont :
- À un moment donné entre le 2 et le 24 novembre 2016, James vous a-t-il dit que vous étiez libre de partir ?
- Lorsque vous étiez chez James en 2016, étiez-vous libre de partir à tout moment sans craindre de violence ?
- Avez-vous demandé à James de vous blesser ?
Plusieurs autres questions en revanche n’auraient pas obtenu de réponse claire :
- Aviez-vous prévu le fait que James vienne vous chercher pendant votre jogging, le 2 novembre 2016 ?
- Vous souvenez-vous être montée dans la voiture de James le 2 novembre 2016 ?
- Le 2 novembre 2016, êtes-vous montée volontairement dans le véhicule de James ?
De son côté, James Reyes a toujours maintenu la même version depuis son premier interrogatoire par les forces de l’ordre : selon lui, Sherri Papini aurait accusé à tort son mari, Keith Papini, d’être violent.
Elle aurait demandé à Reyes de l’aider à simuler son enlèvement, allant jusqu’à le convaincre de l’assister pour qu’elle puisse se blesser elle-même. À l’époque, l’homme s’était déjà soumis au détecteur de mensonges et aurait répondu avec justesse à toutes les questions. Alors, comment expliquer les récents résultats mitigés qui se contredisent par moments ?
Un avocat explique pourquoi les tests au polygraphe sont “irrecevables”
Pour nos confrères de Dexerto.com, l’avocat spécialisé en droit pénal Peter M. Liss s’est exprimé sur les limites du détecteur de mensonges, et en quoi leurs résultats ne permettent pas d’être considérés comme des preuves.

“Il y a une raison pour laquelle les polygraphes ne sont pas utilisés dans les tribunaux pénaux en Californie,” déclare ainsi l’expert, avant de préciser : “Certaines personnes peuvent rester calmes même dans les situations les plus stressantes, tandis que d’autres auront des réactions physiologiques simplement dues au stress du test. Et ce, même quand elles disent la vérité.“
“En réalité, les polygraphes ne détectent pas les mensonges, mais mesurent plutôt les variations du rythme cardiaque, de la pression artérielle, de la respiration et de la transpiration. Selon la personne à qui vous posez la question, le détecteur de mensonges sera fiable dans une tranche entre 50% et 90%. Mais même avec un taux de précision de 90%, il faut comprendre qu’une fois sur dix, la machine se trompe. Et ce taux d’erreur est irrecevable dans une cour de justice.“
Comme l’explique Peter M. Liss, des éléments tels que la pression sanguine, le pouls, la respiration et la conductivité de la peau sont mesurés, mais il n’existe aucune réaction physiologique propre au mensonge, ce qui rend difficile voire impossible toute conclusion vraiment fiable sur une éventuelle tromperie.

“En tant qu’avocat de la défense pénale, je ne m’appuierais jamais sur un polygraphe pour défendre mon client, car ces tests sont tout simplement trop peu concluants et peu fiables,” poursuit-il.
“Si la police utilise souvent ces tests, c’est parce qu’elle veut faire parler le suspect en lui faisant croire qu’il sera démasqué s’il ment.“ Autrement dit, une personne avec de l’aplomb et qui se montre sûre d’elle pourrait tout à fait tromper le détecteur de mensonges.
“Dans l’affaire Sherri Papini, il est très clair que l’un des deux, elle ou James Reyes, a réussi à mentir lors du polygraphe. Mais sans preuve supplémentaire, il est impossible de déterminer lequel a réellement menti.“
La mère de Sherri Papini ne croit pas sa propre fille
La propre mère de Sherri Papini, Loretta Graeff, apparaît dans L’histoire vraie d’un faux kidnapping et, bien qu’elle prenne la défense de sa fille, elle assure ne pas croire à sa nouvelle version des faits.

“Non, ce n’était pas un enlèvement,” affirme-t-elle. “Ma fille était très, très malheureuse dans son mariage. Elle voulait un peu de bonheur.” La mère de Sherri estime que quand sa fille a suivi James Reyes, elle l’aurait fait dans l’espoir d’une vie meilleure.
Lorsque dans la docu-série, Sherri Papini est interrogée concernant les résultats du polygraphe de son ex-compagnon, elle répond en l’accusant d’être un “psychopathe“. Une réponse qui ne convient pas à Peter French, ancien agent spécial du FBI à la retraite ayant travaillé sur l’affaire, et qui affirme que James Reyes aurait fourni une déclaration qu’il était possible de corroborer et considérée comme bien plus crédible face à une personne ayant livré plusieurs versions des faits.
L’ancien agent du FBI poursuit en affirmant que Sherri Papini avait quatre ans pour dire que son couple rencontrait des problèmes, et son silence serait selon lui un aveu de mensonge en soi.

Ce qui revient néanmoins à oublier le silence observé depuis plusieurs années des victimes d’agression, y compris de violences conjugales. On pourrait ainsi citer un rapport de l’Insee en France, paru en 2013, qui estimait qu’en 2010 et 2011, seules “28% des victimes [de violences conjugales] se sont déplacées à la police ou à la gendarmerie, 16% d’entre elles ont porté plainte et 12% ont enregistré une main courante ou n’ont fait aucune déclaration.”
Le rapport ajoute d’ailleurs que parmi les sondées, “la raison la plus souvent évoquée par les femmes qui n’ont pas eu recours à la police ou à la gendarmerie après des violences conjugales est le désir de trouver une autre solution” tandis qu'”une part importante des victimes ne se sont pas déplacées pour éviter des épreuves supplémentaires, comme un témoignage ou une confrontation.“
Les quatre épisodes de la docu-série Sherri Papini : L’histoire vraie d’un faux kidnapping sont disponibles sur Max. Et pour plus de contenus, vous pouvez aussi jeter un coup d’œil à la liste des films et séries qui sortent en streaming ce mois-ci, toutes plateformes confondues.